A l’occasion de la Journée internationale des langues maternelles, Bodiel Fall, Coordonnatrice du programme ELAN (Ecole et langues nationales), évoque l’imortance de la prise en compte des langues nationales ou maternelles dans l’éducation.
Nous vivons dans un monde multipôle et multilingue. La richesse du multilinguisme est notre présent et notre avenir. Pourtant, à l’heure actuelle, selon l’UNESCO, plus de 4 élèves sur 10 dans le monde n’ont toujours pas accès à l’éducation dans la langue qu’ils parlent ou comprennent le mieux. Leurs premiers apprentissages se développent dès lors sur un socle plus fragile que ceux qui apprennent dans leurs langues maternelles. On peut donc aisément comprendre que l’amélioration de la qualité de l’éducation, et par conséquent le développement du capital humain, est intrinsèquement liée à la langue d’enseignement.
Plusieurs études ont ainsi démontré que le fait d’apprendre à l’école dans une langue qui n’est pas la sienne perturbe les apprentissages et creuse les inégalités. Elles ont également prouvé que les apprentissages de base et les apprentissages d’autres langues étaient mieux acquis quand ils sont enseignés dans la langue maternelle ou parlée par l’élève. Les derniers rapports d’évaluation publiés* ont ainsi comme recommandation principale d’introduire les langues nationales à l’école pour améliorer la qualité de l’éducation.
La question de la prise en compte des langues nationales ou maternelles dans l’éducation constitue un vecteur d’inclusion et d’équité devant être pris en compte pour une véritable transformation de l’éducation et un accès à des opportunités d’apprentissage de qualité. Utiliser la langue que connaît l’enfant pour enseigner c’est lui permettre de mieux participer en classe, lui permettre d’avoir du plaisir à apprendre, ce qui est indispensable pour améliorer le niveau scolaire. Lorsque l’on interroge des parents d’élèves ou des enseignants de classes utilisant les langues nationales, le même constat est très souvent fait : les enfants sont plus motivés et heureux d’apprendre, ils participent spontanément car ils disposent du moyen essentiel pour s’exprimer : leur langue.
Aujourd’hui, il est plus que jamais évident que l’éducation bilingue ou multilingue est une clé majeure qui permettra d’atteindre de nombreux autres objectifs de développement durable de l’Agenda 2030. Les expérimentations d’enseignement bi-plurilingue ont été évaluées et ont démontré leur efficacité (évaluation ELAN 2015 par exemple). Ces évaluations ont mis en évidence que les élèves des classes bilingues avaient de meilleurs résultats en lecture-écriture en langue nationale comme en français en début de scolarité primaire que leurs camarades de classes monolingues classiques en français. Par exemple au Burkina Faso, la durée de la scolarité au cycle primaire a été raccourcie d’une année en passant de six à cinq ans dans le système bilingue, du fait de l’acquisition plus rapide et efficace des apprentissages.
Les langues maternelles doivent donc être perçues comme vitales car elles facilitent notamment l’acquisition des compétences fondamentales que sont la lecture, l’écriture et le calcul. L’enseignement bilingue ou multilingue fondé sur la langue maternelle favorise ainsi non seulement l’enseignement-apprentissage en milieu scolaire mais également la condition socio-économique. Éduquer les enfants dans des environnements multilingues, c’est leur ouvrir de nouvelles portes, de nouvelles opportunités et d’autres manières de voir le monde.
En cette Journée internationale, il est alors bon à rappeler la capacité des langues maternelles à nous unir et à nous épanouir dans des horizons communs. Il est également essentiel de les regarder comme des instruments et des alliées précieuses pour atteindre l’objectif d’une éducation de qualité pour toutes et tous.
Il nous reste beaucoup à faire.
C’est pourquoi, à l’occasion de cette Journée internationale de la langue maternelle, j’appelle tout le monde à agir à son niveau pour intégrer les langues maternelles dans les enseignements et les apprentissages pour une meilleure qualité de l’éducation de nos enfants. C’est également l’occasion de rappeler les engagements du programme ELAN (Ecole et langues nationales), qui est porté par l’IFEF et qui ne cesse d’œuvrer depuis 2012 pour la promotion et la valorisation des langues maternelles ainsi que leur prise en compte à l’école, notamment en Afrique subsaharienne francophone. Agir pour nos langues maternelles, c’est construire un meilleur futur pour nos enfants.
Bodiel Fall
Coordonnatrice du programme ELAN (Ecole et langues nationales)
Institut de la Francophonie pour l’éducation et la formation (IFEF)