Suivi de la continuité éducative en Francophonie : Résultats de l’enquête

État de fonctionnement des systèmes éducatifs de la Francophonie

L’ensemble des États et gouvernements pris en compte dans l’étude, excepté le Burundi, ont dû fermer les établissements scolaires afin de limiter la propagation de la covid-19. Par ailleurs, dans certains d’entre eux, des dispositions spéciales ont été prises pour assurer la garde et un minimum d’enseignement aux enfants des personnels des métiers essentiels dans la gestion de la crise sanitaire (personnels de santé, médico-sociaux, membres des cellules de crise…). Ces ouvertures d’écoles se sont effectuées d’une part avec des effectifs très réduits et, d’autre part, en observant un strict respect des mesures barrières instituées par les autorités sanitaires.

Pour les autres élèves, des dispositifs d’enseignement à distance (EAD) ont été mis en place généralement à l’initiative des ministères de l’Éducation. Dans la majorité des cas, il a été préconisé de ne pas privilégier de nouveaux apprentissages, mais de se focaliser sur le maintien et le renforcement des acquis. Concernant les degrés scolaires pris en compte, plusieurs cas de figure sont apparus : 1) le préscolaire, le primaire et la fin du 1er cycle du secondaire, 2) uniquement les classes d’examens, 3) les classes d’examens d’abord, puis une généralisation à tous les degrés du primaire et du secondaire, 4) tous les degrés scolaires du primaire et du secondaire. Dans quelques rares cas, on a pu observer une prise en compte de l’enseignement technique et professionnel et cela uniquement pour les enseignements théoriques.

Figure 1 – Situation du fonctionnement des écoles en Francophonie en contexte de propagation de la covid-19

La situation du Burundi est particulière du fait que les autorités de ce pays ont décidé de garder l’ensemble des établissements scolaires ouverts et ont mis en place des dispositifs permettant d’observer les mesures barrières contre la propagation de la covid-19.

Solutions pour la continuité éducative

Les répondants au questionnaire ont relevé un certain nombre de difficultés à la mise en œuvre de solutions de continuité éducative. Ces difficultés sont de 3 ordres : 1) une insuffisance du matériel et d’une connexion à Internet, 2) des problèmes d’infrastructure, 3) un manque de formation des enseignants et d’accompagnement des parents pour assurer le suivi des apprentissages.

Figure 2: Difficultés rencontrées dans la mise en œuvre des solutions de continuité éducative

Concernant l’estimation du degré de préparation des enseignants-es et des cadres éducatifs aux usages du numérique, la situation apparaît relativement mitigée comme l’illustre la figure 3.

Figure 3 : Estimation du degré d’équipement des enseignants-es en matériel

De même, le degré d’équipement des enseignants et des cadres éducatifs en matériel apparaît tout aussi contrasté (cf. figure 4).

Figure 4 : Estimation du degré d’équipement en matériel des enseignants et des cadres éducatifs

Malgré toutes ces difficultés et les réticences de partenaires sociaux tels les syndicats d’enseignants, différentes solutions permettant d’assurer la continuité éducative ont été mises en œuvre dans tous les États et gouvernements étudiés. Elles sont résumées dans la figure 5.

Figure 5 : Canaux de continuité éducative dans les pays de la Francophonie

L’articulation entre ces différents canaux vise à améliorer l’inclusion des enfants de familles démunis ou résidant dans des zones peu dotées en infrastructures.  Dans certains pays, des chaines (TV ou radio) et des plateformes en ligne dédiées à l’éducation existent ou ont simplement été créées. Les contenus présentés à travers ces différents canaux sont réputés conformes aux programmes officiels et établis sous la supervision des encadreurs pédagogiques.

Il est important de souligner que ces différentes solutions offrent plusieurs niveaux d’interactions entre élèves et enseignants :

  • Peu d’interactions (radio, TV, supports papiers) ;
  • Interactions possibles à travers un numéro de téléphone gratuit, par les réseaux sociaux ou par des classes virtuelles ;
  • Pour les supports papiers, l’interaction peut être assurée par un retour gratuit des devoirs par la poste.

Certains répondants ont insisté sur la nécessité d’impliquer les chefs d’établissements, notamment pour les classes virtuelles afin d’assurer le suivi du déroulement des apprentissages. D’autres ont évoqué l’intégration de la formation des enseignants, que ce soit pour les compétences numériques (en particulier la compétence à enseigner à distance), pour le renforcement des connaissances disciplinaires, didactiques et pédagogiques. On retrouve là une dimension importante de l’éducation en situation d’urgence déjà mise en évidence lors de la crise sanitaire due à l’épidémie Ébola en Sierra Leone et en Guinée en 2014.

Afin d’assurer une utilisation optimale des ressources proposées, des directives destinées aux parents, aux élèves, aux chefs d’établissements et aux enseignants-es ont été élaborées et diffusées. Des répondants indiquent que des aides à l’utilisation des applications telles que Zoom, Teams ou autres étaient intégrées à ces directives.

En outre, certains dispositifs prévoyaient un soutien psychologique aux enseignants, aux élèves et à leurs parents afin de les aider à gérer le stress lié à la maladie. Ce soutien était organisé à travers des conseils personnalisés fournis en ligne.

En ce qui concerne l’évaluation, la fonction formative a été privilégiée, même si un des répondants a évoqué la préparation des élèves aux examens à travers l’administration d’examens blancs suivie de corrections données lors d’émissions télévisées.

On a pu également noter plusieurs initiatives visant à assurer une plus grande inclusion. Ainsi, dans certains États et gouvernements, les élèves « technologiquement défavorisés » ont pu bénéficier de dons ou de prêts gratuits de matériels (ordinateurs, tablettes, téléphones intelligents) et même d’une connexion gratuite à Internet. Cette volonté d’inclusion a concerné également les élèves à besoin particuliers, notamment à travers la mise à contribution du langage des signes pour les cours à la télévision.

Des répondants ont signalé des dispositions particulières pour l’enseignement privé qui tient une place de plus en plus importante notamment dans les pays d’Afrique subsaharienne, d’Europe de l’Est et d’Asie. À cet effet, on peut citer la création, dans un des pays, d’un fonds gouvernemental permettant d’assurer la rémunération des enseignants-es du privé. Il y a également, l’encadrement des établissements privés dans la mise en place des dispositifs spécifiques d’enseignement à distance avec une incitation à la réduction des frais de scolarité. Pour d’autres États et gouvernements, les établissements privés peuvent bénéficier des dispositifs de soutien mis en place pour toutes les entreprises privées.

Au Burundi, bien que les établissements soient restés ouverts et aient fonctionné normalement, les autorités ont élaboré, avec l’appui des PTFs, un « plan de réponse covid-19 secteur Éducation ». Ce plan vise à assurer la continuité des apprentissages en cas de survenue d’une situation d’urgence. Trois scénarios majeurs structurent ce plan :

  • Une situation de contamination mineure et maîtrisée ne nécessitant pas la fermeture des écoles ;
  • Une situation d’aggravation de la pandémie avec un impact probable sur le système éducatif qui nécessiterait une fermeture, ne serait-ce que temporaire, des écoles ;
  • La préparation de la réouverture de classes.

Diverses activités composent chaque scénario avec un budget détaillé et diverses stratégies. Un plan de communication en situation d’urgence accompagne le cadre de réponse dudit plan.

Situation de réouverture des écoles

La situation de réouverture des écoles apparaît comme relativement mitigée avec une répartition quasi égalitaire entre ceux qui ont procédé à la réouverture (15/32) et ceux qui ne prévoient pas pour le moment de rouvrir les écoles (14/32). Entre ces deux catégories, il y a trois pays qui ont annoncé la réouverture prochaine des écoles.

Figure 6 : Situation de la réouverture des écoles en Francophonie en juin 2020

Pour plusieurs États et gouvernements ayant décidé du retour à l’école, la réouverture est généralement progressive, selon les âges et dans des classes réduites. Les protocoles sanitaires édictés doivent être suivis scrupuleusement. Dans certains cas, la fin de l’année scolaire, exceptée pour les classes d’examen, a été adoptée.

Pour les examens, plusieurs stratégies sont prises ou mises sur la table des réflexions des ministères de l’Éducation : i) maintien des examens prévus ; ii) annulation des examens ; iii) report des examens ; vi) organisation en ligne des examens à enjeux élevés.

Appui conjoint OIF/CONFEMEN aux États et gouvernements de la Francophonie

13 des 21 répondants sont informés de l’existence de ressources éducatives sur le site de l’OIF et 10 d’entre eux les trouvent pertinentes et adaptées à leur contexte. Cependant, ils ne sont que 8 sur 20 à avoir eu connaissance de la formation des enseignants à l’enseignement à distance organisée par l’OIF à travers l’IFEF.

Par ailleurs, plusieurs répondants suggèrent que la CONFEMEN et l’OIF coordonnent davantage leurs efforts pour soutenir les États et gouvernements, en particulier les plus fragiles, dans l’élaboration de stratégies pérennes de continuité éducative en situation d’urgence. Pour cela, ils ont préconisé que les plaidoyers de l’OIF et la CONFEMEN se structurent en trois (3) niveaux précisés dans la figure 7.

Figure 7 : Niveaux de plaidoyer pour l’OIF et la CONFEMEN

Conclusion et perspectives

L’étude montre qu’en réponse à la crise sanitaire due à la covid-19, la Francophonie dans son ensemble, à une exception près, a décidé : 1) de fermer les écoles, 2) de mettre en œuvre des dispositifs susceptibles de favoriser la continuité des apprentissages, et 3) de chercher des stratégies visant à assurer l’inclusion la plus large possible. Mais malgré tous ces efforts, un certain nombre de difficultés ont persisté au point où il n’est pas déraisonnable de penser que de nombreux élèves n’ont pas pu bénéficier de la continuité des apprentissages. C’est sans doute une des raisons ayant justifié la réouverture des écoles dans de nombreux pays. Mais cette reprise est pour le moment loin d’être générale du fait de contraintes inhérentes, entre autres le respect des mesures barrières dans des écoles ayant le plus souvent des effectifs jugés pléthoriques.

L’étude met également en évidence une forte demande d’une approche unitaire de l’OIF et de la CONFEMEN en vue d’accompagner les États et gouvernements, en particulier les plus fragiles, dans l’élaboration de stratégie permettant de répondre de manière efficace à la survenue de situations d’urgence. Un des aspects essentiels de cette stratégie renvoie au renforcement des dispositifs d’enseignement à distance. À cet effet, la CONFEMEN finalise actuellement une note d’orientation stratégique sur le numérique en éducation. Celle-ci entre dans le cadre des travaux du GTN (groupe de travail sur le numérique) impliquant également l’OIF, l’AUF et la CONFEJES. Cette réflexion devrait aboutir, à terme, à la construction d’actions francophones communes visant à rendre nos systèmes plus résilients.

Source : CONFEMEN

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